mercredi 20 juin 2007

New Luxury et masstige: la polarisation de notre consommation.

Je complète à peine ma lecture de Treasure Hunt de Mickael Silverstein et je trouve son idée de base intéressante. Le marché, toutes catégories confondues, serait en train de se polariser. Ainsi les segments haut-de-gamme et à rabais sont en forte croissance. Pendant ce temps, les produits qui ne sont ni la gamme d'entrée, ni de luxe, perdent du terrain. Ce que l'auteur qualifie un peu fortement de death in the middle.

L'auteur est clair : cette observation est une tendance et elle mérite qu'on rapelle que le marché des produits milieu de gamme est toujours le plus important et que la forte majorité des entreprises y tirent la majorité de leurs revenus.

Pourquoi une polarisation dans un marché toujours plus diversifié ?
La raison primaire réside dans la perception de parité des produits. Les consommateur (tous autant que nous sommes) voient de moins en moins de différences entre la qualité technique, la durabilité, la performance de la plupart de ses produits courants. Les catégories où nous sommes capables de faire la différence sont celles pour lesquelles nous opterons pour un trade up, c'est à dire un surinvestissement pour obtenir un produit de meilleure qualité.
Le marché a répondu à cette demande en rendant plus accessible des produits de
luxe à la portée de (presque) toutes les bourses. C'est dans les années 80 que les marques ont remplacé les signatures et qu'est né le concept de « masstige »: les produits prestige accessible au mass market. Le coup d'envoi de cette tendance est associé à cette campagne de publicité où Karl Lagerfeld (ici) et Sonia Rykiel posait pour la marque populaire kookaï

Une explication démographique...
Une autre des explications réside dans la répartition de moins en moins égale de la richesse.

Le nombre de Canadiens valant plus de 1 millions de dollars (résidence principale exclue) a bondi de 7,2 % pour l'année 2005 seulement, et le club select canadien des très riches comprend maintenant plus de 230 000 personnes.² Ce qui ouvre la porte à une augmentation des dollars investis dans les produits de luxe.

Mais ceci n'explique pas pourquoi on trouve de plus en plus de Volvo dans les stationnements de Dollorama...

Mon cool est plus cool que le tien...
Le facteur démographique ne pouvant expliquer à lui seul cette tendance, il y a une question de choix de consommation. La tendance attendue au retour aux valeurs importantes (idée assez répandue au milieu des années 80) ne s'est pas passée. L'individualisme et le culte de l'ascension sociale ont encouragé les produits de luxe à se diversifier. Nous sommes valorisés et obtenons un certain prestige par l'acquisition et la possession d'objets de mode, de gadgets à la fine-pointe, de vêtements signés, de produits de luxe, etc. Mais pour se permettre ces « petites folies », il faut bien couper quelque part. Et comme nous détestons nous priver, souvent nous opterons pour un trade down, une économie sur un produit de moindre importance en achetant l'entrée de gamme. Les propriétaires de Volvo qui vont au Dollorama ont simplement choisi une répartition différente de leurs dépenses. Au lieu de consommer moins, de choisir plus simplement, le marché a continué et poussé plus loin la comsommation compétitive. Le très dérangeant Rebel Sell nous rappelle à quel point nous voulons nous démarquer par notre consommation et met le doigt sur le cercle vicieux du consumérisme. Si personne n'achetait de voiture de plus de 40 000 $, jamais il ne nous viendrait le besoin d'en posséder une. Nous sommes tous un peu un voisin gonflable.

Par ce que je le mérite...

Sans oublier que dans un monde de plus en plus stressant et où le temps est une denrée rare pour les néo-riches, l'indulgence est une motivation de consommation. Depuis le Starbucks quotidien jusqu'aux soins pour le corps, en passant pas le "shopping therapy", toutes les raisons sont bonnes pour se donner le droit à cette petite dépense qui nous fait plaisir. Et comme le luxe est relatif à la consommation courante, les choix seront fait en fonction du porte-feuille et des goûts de chacun. Un même restaurant peut représenter une cafétéria pour quelqu'un et une sortie importante pour quelqu'un d'autre.

Ces réalités, en plus d'une meilleure compréhension des motivations ayant servies à des marques comme Starbucks et Häaggen-Dazs à s'approprier le marché des produits courants luxueux, ont entraîné un déferlement d'articles et l'intérêt des marketers sur le sujet. Starbucks, early on, recognized that while not everyone can afford to go to Tiffany's, they can enjoy the small indulgence of a grande nonfat latte.³

Du statut à l'ostentatoire
L'arrivée d'Internet, entre autre eBay et eLuxury, a fait exploser l'offre de produits luxueux et diminue largement l'importance de l'expérience lors de leur achat pour de nombreux consommateurs. Les marques premium doivent trouver une façon de maintenir leur parfum d'exclusivité face l'omniprésence du Web pour éviter l'érosion de ce que plusieurs nomment 'the rarity principle'

«To maintain their dream value and avoid the risk of commoditization, luxury brands must be desired by all... but consumed only by the happy few.»
Craven & Read - Emerald Management

En plus de ce nouveau mode de distribution qui rend les produits luxueux plus accessibles que jamais, la contrefaçon vient s'additionner à la demande. D'après certaines évaluations, les "copies" représenteraient entre 5 et 7 % des ventes mondiales.

Dans ce contexte, les marques de luxe traditionnelles cherchent à assurer leur pertinence en poussant encore plus loin l'expérience de prestige qu'on peut vivre dans leur boutique et les signes distinctifs d'un produit original. Et plusieurs émules de Starbucks cherchent à se faire une place dans le marché des petites indulgences.



¹ Luxury, just live it - BrandChannel.com
² D'après les propos de Dennis Pickett, CEO Amex Canada in Rich Reward - Marketing Magazine
³ Why Up-Branding is Here to Stay - Ad Age - 28 mai 2007 (réservé aux abonnés)
Online Luxury for the Masses - BrandChannel.com

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