lundi 18 juin 2007

La Buzzmenclature : Comment donner un territoire à une idée.

Dans ma lecture matinale du papier de BrandChannel, j'ai été confronté à un nouveau et succulent buzzword. Après la blogosphere (aussi connue antérieurement sous le nom de blogspace), voici maintenant la «tubosphere». Tout nouveau, tout frais, le terme n'a pas encore, comme «blogosphere», une présence sur wikipedia, 20 millions de pages répertoriées par google et des statistiques de recensement.Assez pour s'en rendre malade.

Le secteur du web est une terre fertile en buzzwords. Du User Generated Content (UGC) en passant par le web-un chiffre-point-zéro (plus le chiffre est élevé, plus vous essayez de communiquer que vous êtes à la page), sans oublier le word-of-mouse et les click-and-mortars (tellement 2004!?!). Allez voir à cet effet le très divertissant Web Economy Bullshit Generator.

Tous ces néologismes servent essentiellement à la même chose: le branding du consultant qui les présente. L'utilisation de buzzwords est très souvent l'adage de compagnies qui essaient de différencier leur offre et de se donner une valeur dans un marché encombré de consultants de toutes sortes. Dans cette perspective, les buzzwords ne visent pas tellement à définir des concepts clairs autant qu'à rendre un discours séduisant. Plusieurs s'entendent pour dire qu'ils servent essentiellement à impressionner, à user habillement de la langue de bois.

L'amour des marketers
Ces buzzwords circulent en étant rarement remis en cause dans les agences de publicité et chez plusieurs de leurs clients (seule résistance le Buzzword ou Bullshit Bingo). Les néologismes ne sont ni réservés au royaume de la technologie pas plus qu'aux concepts abstraits autrement impossibles à expliquer. On peut voir apparaître quotidiennement des mots tels aspirationnel, Lovemark, influenceurs, et tout une série d'acronymes en quête de nouveaux territoires menant au nirvana de la vente au détail : des classiques USP et USL jusqu'aux plus actuels OWE (one word equity)*, VBB (value based brand)... et maintenant la "tubosphère".

En contrepartie, on ne peut pas dire que les buzzwords se retrouvent seulement dans le monde du marketing. Les médias colportent leur part importante de néologismes ou mettent à la mode des mots clés qui deviennent porteurs d'un courant de pensée X et qui contribuent à la compréhension (même sommaire) d'une idée et à sa re-distribution. Souvent les buzzwords séparent les gens qui sont in the known des autres. Des armes de destruction massive au Omega-3 en passant par les Bobos (bourgeois bohême), tout ce qui se nomme gagne de l'importance dans les médias. Les mots originaux et séduisants attirent l'attention et quoi de mieux pour attirer le regard des journalistes que de se positionner comme une nouvelle tendance.

Leur utilité
Quand ils ne servent pas tout simplement à faire un show de boucane devant des clients prospects, auditeurs de conférences, des étudiants attentifs (et peut-être même dans les 5@7), les buzzwords conservent la fonction de faire évoluer la pensée marketing. Comme dans n'importe secteur, les nouvelles idées bousculent les anciennes et le fait de pouvoir poser un mot sur les concepts permet de les partager... Les choses n'existent pas avant d'avoir un nom.

Il s'agit d'un excellent exemple de mise en marché des idées, à des fins de partage autant qu'à des fins commerciales. Les buzzwords sont plus que des modes, ils deviennent rétroactivement un portrait de la vie courante. Voyons avec quelle passion on tente de nommer les générations (Silencieuse, Beat, BabyBoomers maintenant devenu PapyBoomers, la génération Jones, les X, les Y, etc.), les courants de mode (Metal, Grunge, HipHop, etc.). Même les intellectuels les plus sérieux se réjouissent d'un débat sémantique sur la façon de nommer les époques (modernisme, postmodernisme, hypermodernisme, néostructuralisme, etc.).

En somme, les buzzwords ont la double fonction d'être un jargon qui sépare les initiés des autres et de donner une forme à des concepts nouveaux ou abstraits. Ils n'ont de valeur alors que les idées et concepts qu'ils représentent. Ne nous laissons pas endormir par la langue de bois.


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Malgré tous les risques qu'il y a à verser dans le non-dit, le fuyant et l'insipide, certains penseurs et bloggeur (sûrement un autre buzzword) réussissent particulièrement bien la vulgarisation de concepts grâce à des néologismes et des idiomes évocateurs. Citons à titre d'exemple l'excellent Zero Seconde de Martin Lessard (l'un des blogs les plus référencés, et donc influents, d'après la définition généralement admise).

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* Popularisé par les Saatchi

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