jeudi 31 mai 2007

Le marketing de cohorte... La théorie Harry Potter


Cette idée vient du IdeaCast de HBR intitulé Breakthrough Ideas for 2007. Prenons exemple sur la façon dont Harry Potter a évolué (en âge, en niveau "scolaire", en personnalité, etc.) en même temps que ses lecteurs, de sorte qu'un enfant de 7 ans qui débute avec Harry le suivra ni plus ni moins en âge au fil des nouveaux livres/films qui sortent.

Ce que l'IdeaCast propose, c'est d'appliquer la même idée à la gestion de marques. Peut-on établir des cohortes de consommateurs que la marque suivra au fur et à mesure qu'ils évoluront ? Pourquoi ne pas mettre fin au changement de garde des marques pour des raisons de changements de groupe d'âge (crème pour le visage), de statut social (voiture) ou même de valeurs (produits verts). En accompagnant notre cohorte, tant en terme d'offre de produits que de communication, une compagnie pourrait limiter la fréquence des remises en question des consommateurs et, conséquemment, sa vulnérabilité à la défection.

Cette idée prend son ancrage dans le fait qu'il est plus coûteux de gagner de nouveaux consommateurs que de conserver les consommateurs actuels (sauf peut-être pour les services funéraires).

Ce nouveau type d'approche permettrait d'effectuer une segmentation qui dépasserait les facteurs démographiques, ce qui nous lancerait vers des marques plus pointues et pertinentes. C'est qu'un "hédoniste passionné de plein air de 18 ans" a plus de chances de resssembler à un "hédoniste passionné de plein air de 55 ans" qu'à un "conservateur de son âge amateur de voitures sports". Et un message ancré sur des valeurs a plus de chances de toucher des cibles pointues que de rejoindre l'ensemble d'un groupe d'âge. Pourquoi alors ne pas toujours segmenter sur la base de facteurs psychographiques ? Par ce que c'est beaucoup plus complexe (lire également onéreux) et que les modes de recherche qui mènent à la compréhension de ces valeurs sont généralement qualitatifs... ce qui insécurise beaucoup les gestionnaires de marques. L'ethnographie, bien que de plus en plus utilisée en entreprise, demeure marginale par rapport aux segmentations statistiques. Dommage, c'est la force de la communication qui écope. En essayant de rejoindre tout le monde, souvent on se retrouve à ne toucher personne.

Le marketing à l'attention d'une cohorte évolutive dans le temps impliquerait alors de bien définir et comprendre la cible d'entrée de jeu et de la suivre peu à peu dans ses changements collectifs. Une telle volonté nous oblige à questionner nos modes de recherche et met la table à toute une série d'outil pavant la voie à une compréhension des valeurs fondamentales, des motivations profondes d'un groupe de personnes. Évidemment cette cohorte doit être suffisamment importante pour devenir une cible rentable. La recherche non-traditionnelle est alors de mise : ethnographie et sémiologie en tête.

La question qui demeure cependant : les consommateurs changeraient-ils de toute façon ? Acceptons-nous la mobilité des marques ? Par exemple, si une marque est reconnue pour son produit abordable / simple / pratique d'entrée de gamme, est-ce que je lui ferai confiance, 10 ans plus tard, pour me fournir un produit luxueux et sophistiqué ? Est-ce qe j'accepterais une voiture haut de gamme de Hyunday ? Et une Porsche qui met une part de sa performance de côté au profit d'une voiture luxueuse et plus confortable ?

mardi 29 mai 2007

La mort de l'ordre alphabétique

C'est un sujet sur lequel j'aimerais beaucoup avoir le temps de me pencher un jour... Le constat : la nouvelles générations, celle qui a aujourd'hui moins de 20 ans, est née avec le moteur de recherche entre les mains. Pas très novateur, direz-vous. Bien d'accord. Ce qui nous intéresse de ce fait, ce sont les différences que cela peut avoir entraîner à leur développement, leur mode d'apprentissage, la façon dont ils analysent le monde qui les entoure. Trouver les vérités profondes n'est donc pas une mince affaire.

Impact des bases de données informatisées (et ultérieurement d'Internet) : les moins de 20 ans n'ont jamais effectué une recherche dans les petits casiers d'ordre alphabétique à la bibliothèque municipale. Ils n'ont jamais eu besoin de se rendre dans l'allée des 900.48 pour prendre les 7 livres disponibles sur les fourmis. Ces livres disponibles représentaient il y a seulement 10 ans l'ensemble des informations disponibles sur le sujet.
Aujourd'hui, un élève du primaire peut effectuer la même recherche (ou «vaguement s'inspirer» de celle d'un collègue internaute) en 3 clics de souris.

Les éléves d'aujourd'hui n'ont donc jamais appris à chercher en ordre alphabétique, ils sont nés avec les moteurs de recherche.

Comment est-ce que cette omniprésence du moteur de recherche vient-il altérer ou modifier la façon dont ils conçoivent le monde. Je m'intéresse plus particulièrement à l'univers objet. Organisent-ils leur espace de travail différemment ? Comment apprennent-ils à classer leurs objets ? Et lorsqu'ils perdent quelque chose, cherchent-ils ou réfèrent-ils au moteur de recherche familial : Maman, as-tu vue mon chandail bleu ?

C'est seulement un début de réflexion, j'y reviendrai...

dimanche 13 mai 2007

Les appellations numérales : quel sens donné aux marques ?

Je suis allé au défilé de Station 8, une ligne québécoise de vêtements. Une belle soirée qui ne devait pas se retrouver sur ce blog, mais qui m’a allumé sur une observation. Ce n’est pas nouveau, par contre ça mérite d’être soulevé : de plus en plus de marques utilisent des chiffres dans leur appellation, quand elles ne sont pas tout simplement représentées uniquement par un nombre.

Pourquoi s’intéresser à la question : les chiffres sont des concepts vides de sens intrinsèques et permettent difficilement d'insuffler naturellement de nouvelles associations au marque. À l’exception de certains chiffres déjà chargés de sens : 666, le 8 chinois, 69 (!), etc.

Le rôle de la marque est de bâtir des associations (favorables) dans la tête des consommateurs, d’occuper une place dans leur cerveau. Quand suffisamment de consommateurs ont les mêmes associations au sujet d’un produit, on peut dire qu’on fait face à une marque forte. Les nomenclatures de marques usuelles mettent la table à des associations naturelles¹:


Sans oublier les mots qui sont chargés de sens et qui les transmettent aux marques. Les couleurs (Orange, Black Label, etc.), les animaux (Jaguar, Reebok², Tigre Géant, etc.), plusieurs autres mots chargés de sens (Virgin, Yahoo!, Zodiac, Olympia, etc.) et tout ce qui donne une personnalité à la marque.

Mais que dire des marques comme W, 555, 118118, 7UP et toutes les autres marques « code ».
Ne relevant pas du concret, ces chiffres sont un terrain vierge qui permet à la marque (qui en a les moyens) de bâtir les associations souhaitées. Les télécommunications représentent une des rares industries où les chiffres sont descriptifs (BBC2, TV5, 98,5FM, etc.).

On avait l’habitude des extensions de marques et des lancements de modèles «code». Depuis le modèle T, l’industrie automobile a proposé plus que sa part de nomenclatures abstraites et souvent numérales. D’ailleurs Brand Channel mettait en lumière le fait que les constructeurs automobiles focalisés sur le produit donnent un nom descriptif à leur nouvelle voiture (Toyota Echo, Honda Civic, Ford Focus). Alors que les marques dites « brand centric » optent plus souvent pour des chiffres et des lettres intangibles (BMW 740, Mazda 6, Porsche 911)³. Notons que Ford utilise également un code dans le seul secteur où sa perception de marque est dominante : les camions (F150).

Alors que les couleurs et les noms ont des signifiances, les chiffres sont sans doute le pire cauchemar de nos amis les sémiologues. Les codes de chiffres et de lettres donnaient une impression de rigueur technologique aux voitures, aux ordinateurs, aux équipements de bureau.

Mais à part cette connotation technologique (qui n’est pas particulière à un chiffre spécifique), que veulent dire les chiffres pour les autres industries. Que découvrions-nous en demandant aux consommateurs de faire un collage sur le chiffre 5 ? Et quelles sont les associations de Triple Five ? Est-ce que les chiffres, résolument technos, sont plus urbains ? Est-ce que la marque Station 8 est plus urbaine que Station tout court ou que Station R?
En tout cas, il est certain qu'ils ne sont pas complètement vides de sens... Si vous n'êtes pas d'accord, tentez de vous réserver une chapelle pour le 7 juillet prochain, le 07/07/07.
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¹ WATIN-AUGOUARD, Jean; PETITES HISTOIRES DE MARQUES (2003)
² Du nom d'une antilope d'Afrique australe.
³ Brand Channel : Counting on your brand's name Chris Grannel (22 août 2005)

dimanche 6 mai 2007

Une bonne observation, l’ennemi de l’insight ?

«At the heart of an effective creative philosophy is the belief that nothing is so powerful as an insight into human nature, what compulsions drive a man, what instincts dominate his action, even though his language so often camouflages what really motivates him.»
- Bill Bernbach


Devenu le sacro-saint insight dans l’univers de la publicité, on peut tout de même se demander si tout le monde comprend le concept. Au-delà de mettre le titre sur un template de brief (sic.), est-ce que l’insight est utilisé au profit de la création ?

Mais qu’est-ce qu’un insight ?

Terme issu de l’étude de l’intelligence animale, il est utilisé par les psychologues allemands, Wolfgang Kohler en tête, dès 1929. Défini par ces scientifiques comportementaux comme « the clear (and often sudden) understanding of a complex situation », le domaine publicitaire opte davantage pour la définition qui se compare davantage au sixième sens : grasping the inner nature of things intuitively.

À l’occasion du brief publicitaire, on comprend insight comme une observation signifiante du comportement humain qui trace le chemin vers une motivation profonde. Du micro vers le macro. Cette découverte d’une vérité fondamentale vise à générer de l’engagement personnel de la part d’une cible sursollicitée et réfractaire aux messages commerciaux.

«The task is not so much to see what no one yet has seen, but to think what no body yet has thought about that which everyone sees.»
- Arthur Schopenhauer


Malheureusement, trop souvent l’insight est contraint à la petite case appropriée dans le document de brief de création. On y met une observation, sans pour autant faire la réflexion sur sa signifiance, son pouvoir d’inspiration ou même sa pertinence.

Pire encore, on confond trop souvent observation et insight. On se satisfait souvent d’avoir mis le doigt sur une observation intéressante qui ouvre la porte à une réflexion à caractère anthropologique, culturel, ethnique, de genre, etc. Mais sans exécuter cette exploration. Bien que l’observation soit une bonne première étape, l’insight viendra seulement après s’être sérieusement questionné sur le « pourquoi » de notre observation…

Aussi, toutes les observations ne mènent pas à un insight riche. Encore faut-il déduire de nos observations un insight pertinent pour notre catégorie, marque, produit.

Un insight quantitatif ?

Une observation peut venir du quantitatif, un insight presque jamais. Le quantitatif nous ouvre les yeux sur le fait que la personne moyenne (celle-là même qui possède un sein et un testicule) a tel ou tel autre comportement, cela ne peut devenir un insight qu’après un travail minutieux (qualitatif) d’analyse et de compréhension de l’observation statistique. Il faut comprendre, mettre de la couleur sur les nombres, saisir les motivations sous-jacentes, fracasser notre chiffre sur la réalité.

Certains disent que « good is the enemy of great ». Et bien, dans une même mesure, une bonne observation peut être le pire ennemi du planner, en ne le poussant pas à chercher les motivations profondes, les vérités fondamentales, les pourquois.

Comme le disait Bernbach, l’utilité de l'insight demeure de créer une implication. Une observation est peu impliquante, une compréhension profonde de notre comportement ne peut laisser personne indifférent. On se sent compris par une marque qui identifie une de nos motivations profondes. C’est le premier pas de l’engament, de la fidélité.