La construction identitaire par l'objet
Dans mon dernier message, je touchais le sujet de la construction identitaire. J'ai également relaté rapidement mon passage à Boston, où nous nous intéressions particulièrement au rôle de la consommation et de l’objet dans cette construction identitaire. Alors que le marketing ethnique est plus souvent qu’autrement considéré dans le but de rejoindre des minorités au sein d’un groupe, la Saint-Patrick se démarque par sa popularité et le fait qu’elle s’adresse à la majorité. Comme ce festival est pour beaucoup de Bostonais une célébration identitaire temporaire, il est intéressant de comprendre comment les objets contribuent à ce sentiment habituellement occulté.
Le mécanisme…
Pour soutenir sa popularité, la Saint-Patrick est largement vendue aux non-Irlandais, ce qui rend la « mise en boîte » de la culture indispensable. Des trèfles aux farfadets, en passant par les représentations de St. Patrick, plusieurs artefacts de la culture irlandaise sont probablement aussi risibles pour les Irlandais que ne le seraient pour nous, les amérindiens, la police montée et les ours polaires. Mais, ce sont les archétypes que nous retrouvons dans la parade, les magasins de décoration en papier et bien sûr les pubs (qui s’approvisionnent sans doute dans ces mêmes magasins épargnes). Ces images sont le plus petit dénominateur commun de tous les gens se reconnaissant une identité irlandaise ou ayant un regard sympatique à son endroit.
Les objets que l’on retrouvent dans ces magasins sont sujets à la loi de l’offre et de la demande. Dans cette perspective, la consommation devient un mécanisme de négociation tacite entre les différents intervenants et chiens de garde de l’identité irlandaise.
Les objets : des badges
L’utilisation d’objets à saveur culturelle (bière verte, corned beaf, vêtements verts, bibelots, etc.) permet à quiconque voulant intégrer les célébrations de la Saint-Patrick d’accéder facilement au statut de participant. Ce packaging tangible fait donc partie intégrante de la construction du modèle culturel nécessaire au sentiment d’appartenance recherché. Ce catalyseur permet entre autre à des participants de se reconnaître et de se rapprocher plus facilement. En ce sens, les tuques vertes ont la même fonction que le chandail du Canadiens de Montréal pendant les séries de la Coupe Stanley, que les costumes pendant Burning Man, que les glowsticks pendant le Bal en Blanc.
De l’ethnicité imposée à l’identité choisie.
De plus en plus de penseurs s’accordent sur la nature choisie de l’ethnicité (comme du genre, de l’appartenance religieuse, etc.). Dans cette perspective, les objets deviennent une façon de se conformer aux codes et d’être reconnu comme appartenant à un groupe. Un habitant solitaire d’une île déserte n’a aucun besoin d’identité ethnique, l’ethnicité est ancrée dans un rapport nous/eux. C’est pourquoi les signes ostantatoires et la reconnaissance des pairs est aussi importante. Il s'agit d'une motivation très puissante qui, au-delà des fêtes, peut représenter un ancrage marketing et communicationnel fort.
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