La notion d'original dans une collection intangible
Nous poursuivons notre périple dans l'univers de la collection en nous intéressant cette fois-ci à la façon dont l'original y prend son sens. (post de la semaine dernière) Depuis la collection de toiles connues, en passant par les vases grecs, sans oublier les pièces de monnaie, les souvenirs de vedettes, les cartes d'hockey, etc. l'original occupe une place prépondérante dans le choix des pièces d'une collection.
Par définition, l'objet de collection fait partie d'une série. Réunir les différents objets de la série devient un projet plus grand que la somme de ses parties. Cette définition de l'objet de collection est mise à mal par l'arrivée d'une multitude d'objets produits en grand nombre et destinés, de première main, à la collection. Ces prêt-à-collectionner (instant collectibles) sont devenus des outils de promotion redoutables pour les restaurants rapides, les éditeurs de livres, les producteurs de films, etc.
Dans la mesure où des millions d'objets identiques sont disponibles, le but de la collection demeure de compléter la série. Exit alors la création identitaire, le choix des objets en fonction de sa personalité, les collections oeuvre d'une vie. Les prêt-à-collectionner mettent également à dure épreuve la règle procédurale, selon laquelle c'est la façon d'acquérir, de disposer et de concerver un objet qui lui insuffle sa valeur pour la collection – qui entraîne le passage du profane au sacré.➁ Selon cette règle, deux objets complètement identiques pourraient avoir des valeurs différentes dans des collections différentes. Par exemple, pour reprendre l'exemple de la collection de stylo... Est-ce que le stylo d'un hotel chic, produit banal s'il en est un, a la même valeur si le collectionneur n'accepte que les stylos des hôtels où il a séjourné ? Et dans le cadre des primes offertes dans les McDonald's, est-il nécessaire d'avoir manger le Joyeux Festin qui va avec pour collectionner le jouet ?« L’objet de la collection n’est plus seulement une antiquité au sens d’un objet patiné, ennobli par le temps, un trésor ancien découvert au fond d’une cave ou d’un grenier mais peut être également un produit neuf, fabriqué spécifiquement dont la fonction première n’est pas l’usage mais la capacité à être collectionné. »➀
L'originalité : garantie de rareté
Malgré la théorie traditionnelle selon laquelle l'offre n'est pas influencée par l'inventaire (la disponibilité), la rareté d'un objet le rend plus enviable aux yeux des collectionneurs, en offrant davantage de distinction et contribuant à donner de la valeur à la collection compétitive. ➂ C'est pourquoi une balle autographiée par Babe Ruth a pris de la valeur le jour où il est décédé.
Une entreprise peut substituer certains attraits de l'originalité en créant de la rareté. Depuis des produits numérotés jusqu'aux quotas d'achat par personne, plusieurs techniques peuvent venir augmenter la collectionabilité d'un produits courant. L'exemple du Swatch Fever qui a sévit à la fin des années 80 est probant.
« Swatch recognizes this need for closure, encouraging collectors in a 1990 advertisement to "collect all 518." Alternatively, a seminar run by a Swatch dealer advised collectors to concentrate on a particular sub-category such as Chronographs or Scubas. Tension may thus be brought to a manageable level, because the stress of trying to obtain all models may be too much for most collectors and this might discourage them from continuing. » ➃
La collection intangible
L’objet de la collection peut ne pas être un objet au sens physique, mais plutôt une idée, une expérience, une conquête, etc. On peut donc collectionner des sensations fortes (sports extrêmes, aventures…), des voyages (souvent symbolisés néanmoins par des objets ou des cartes postales), des spectacles (dont on garde le billet) voire des relations amoureuses ou sexuelles. ➄
Dans cette collection de l'intangible, comment est-ce que les notions de rareté et d'original s'opèrent-elles ? La règle procédurale prend toute son importance. D'ailleurs, les items les plus durs à acquérir de ces collections intangibles sont ceux dont le collectionneur est le plus fier. En général, le fait qu'il soit difficile de gravir le Matchu Pitchu rend cette expérience encore plus valable dans notre collection d'expérience. Le fait d'avoir attendu 18 heures en ligne pour obtenir des billets de concert ne font qu'augmenter leur valeur à nos yeux.
Il ne s'agit pas seulement d'un résidu judéo-chrétien selon lequel nous devons souffrir pour obtenir une récompense, mais bien d'un rite de passage. En relevant le défi, nous nous montrons à la hauteur et l'exérience peut entrer dans notre collecction. Ces rites de passage servent également à la collection compétitive en donnant une valeur supplémentaire à des objets ou des expériences qui autrement seraient achetable facilement.
Dans cette collection de l'intangible, comment est-ce que les notions de rareté et d'original s'opèrent-elles ? La règle procédurale prend toute son importance. D'ailleurs, les items les plus durs à acquérir de ces collections intangibles sont ceux dont le collectionneur est le plus fier. En général, le fait qu'il soit difficile de gravir le Matchu Pitchu rend cette expérience encore plus valable dans notre collection d'expérience. Le fait d'avoir attendu 18 heures en ligne pour obtenir des billets de concert ne font qu'augmenter leur valeur à nos yeux.
Il ne s'agit pas seulement d'un résidu judéo-chrétien selon lequel nous devons souffrir pour obtenir une récompense, mais bien d'un rite de passage. En relevant le défi, nous nous montrons à la hauteur et l'exérience peut entrer dans notre collecction. Ces rites de passage servent également à la collection compétitive en donnant une valeur supplémentaire à des objets ou des expériences qui autrement seraient achetable facilement.
J'espère vous revenir sous peu avec mes conclusion à la suite d'une entrevue ethnographique conduite auprès d'un collectionneur de citations... s'il accepte, évidemment.
Y a-t-il quelque chose de moins tangible et offrant moins de garantie qu'une citation ?
Quand le copie-coller est accessible à tous, comment fait-on pour insuffler de la valeur à notre collection ?
➀ EZAN, P. – Le phénomène de collection comme outil à destination des enfantsici, $$$]
➁ DANET & KATRIEL – No two alike: Play and aesthetics in collecting – Play and Culture (1989) cit in Belk (2001); Long & Schiffman (1997)
➂ BELK, R. – Acquiring, possessing, and collecting: fundamental processes in consumer behavior – Marketing theory: Philosophy of science perspective (1982) [livre]
BELK, R. et al. – Collectors and Collecting – Advances in Consumer research (1988) [disponible ici]
➃ LONG, M. & SCHIFFMAN L. – –Décisions Marketing N°29, (2003) [art. disponible Swatch Fever: An Allegory for Understanding the Paradox of Collecting – Psychology & Marketing (1997) [art. disponible ici, $$$]
➄ LABORDE-TASTET, Laurent – Le phénomène de collection chez le consommateur adulte : collections et conventions – Travail doctoral Lyon 3 (2005) [disponible ici]
➁ DANET & KATRIEL – No two alike: Play and aesthetics in collecting – Play and Culture (1989) cit in Belk (2001); Long & Schiffman (1997)
➂ BELK, R. – Acquiring, possessing, and collecting: fundamental processes in consumer behavior – Marketing theory: Philosophy of science perspective (1982) [livre]
BELK, R. et al. – Collectors and Collecting – Advances in Consumer research (1988) [disponible ici]
➃ LONG, M. & SCHIFFMAN L. – –Décisions Marketing N°29, (2003) [art. disponible Swatch Fever: An Allegory for Understanding the Paradox of Collecting – Psychology & Marketing (1997) [art. disponible ici, $$$]
➄ LABORDE-TASTET, Laurent – Le phénomène de collection chez le consommateur adulte : collections et conventions – Travail doctoral Lyon 3 (2005) [disponible ici]
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