dimanche 13 mai 2007

Les appellations numérales : quel sens donné aux marques ?

Je suis allé au défilé de Station 8, une ligne québécoise de vêtements. Une belle soirée qui ne devait pas se retrouver sur ce blog, mais qui m’a allumé sur une observation. Ce n’est pas nouveau, par contre ça mérite d’être soulevé : de plus en plus de marques utilisent des chiffres dans leur appellation, quand elles ne sont pas tout simplement représentées uniquement par un nombre.

Pourquoi s’intéresser à la question : les chiffres sont des concepts vides de sens intrinsèques et permettent difficilement d'insuffler naturellement de nouvelles associations au marque. À l’exception de certains chiffres déjà chargés de sens : 666, le 8 chinois, 69 (!), etc.

Le rôle de la marque est de bâtir des associations (favorables) dans la tête des consommateurs, d’occuper une place dans leur cerveau. Quand suffisamment de consommateurs ont les mêmes associations au sujet d’un produit, on peut dire qu’on fait face à une marque forte. Les nomenclatures de marques usuelles mettent la table à des associations naturelles¹:


Sans oublier les mots qui sont chargés de sens et qui les transmettent aux marques. Les couleurs (Orange, Black Label, etc.), les animaux (Jaguar, Reebok², Tigre Géant, etc.), plusieurs autres mots chargés de sens (Virgin, Yahoo!, Zodiac, Olympia, etc.) et tout ce qui donne une personnalité à la marque.

Mais que dire des marques comme W, 555, 118118, 7UP et toutes les autres marques « code ».
Ne relevant pas du concret, ces chiffres sont un terrain vierge qui permet à la marque (qui en a les moyens) de bâtir les associations souhaitées. Les télécommunications représentent une des rares industries où les chiffres sont descriptifs (BBC2, TV5, 98,5FM, etc.).

On avait l’habitude des extensions de marques et des lancements de modèles «code». Depuis le modèle T, l’industrie automobile a proposé plus que sa part de nomenclatures abstraites et souvent numérales. D’ailleurs Brand Channel mettait en lumière le fait que les constructeurs automobiles focalisés sur le produit donnent un nom descriptif à leur nouvelle voiture (Toyota Echo, Honda Civic, Ford Focus). Alors que les marques dites « brand centric » optent plus souvent pour des chiffres et des lettres intangibles (BMW 740, Mazda 6, Porsche 911)³. Notons que Ford utilise également un code dans le seul secteur où sa perception de marque est dominante : les camions (F150).

Alors que les couleurs et les noms ont des signifiances, les chiffres sont sans doute le pire cauchemar de nos amis les sémiologues. Les codes de chiffres et de lettres donnaient une impression de rigueur technologique aux voitures, aux ordinateurs, aux équipements de bureau.

Mais à part cette connotation technologique (qui n’est pas particulière à un chiffre spécifique), que veulent dire les chiffres pour les autres industries. Que découvrions-nous en demandant aux consommateurs de faire un collage sur le chiffre 5 ? Et quelles sont les associations de Triple Five ? Est-ce que les chiffres, résolument technos, sont plus urbains ? Est-ce que la marque Station 8 est plus urbaine que Station tout court ou que Station R?
En tout cas, il est certain qu'ils ne sont pas complètement vides de sens... Si vous n'êtes pas d'accord, tentez de vous réserver une chapelle pour le 7 juillet prochain, le 07/07/07.
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¹ WATIN-AUGOUARD, Jean; PETITES HISTOIRES DE MARQUES (2003)
² Du nom d'une antilope d'Afrique australe.
³ Brand Channel : Counting on your brand's name Chris Grannel (22 août 2005)

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