mardi 4 septembre 2007

Les sports et la réappropriation populaire

Le sportif de salon moyen est très enclin à décrier la baisse de qualité du sport. « C'est plus comme avant » «On s'ennuie des belles années du Canadiens » « Au moins dans le temps, ils jouaient avec leur coeur », etc. etc. etc.

Alors que la réalité est tout autre (en tout cas dans la plupart des ligues majeures). Les performances ont cru et, avec l'ouverture internationale, les places limitées dans les équipes professionnelles (bien que plus nombreuses) sont convoitées par de plus en plus de joueurs de qualité.

Alors de quoi se plaint l'amateur moyen qui trouve que ce n'est plus comme avant. Il décrie une perte d'appartenance. Il n'y a pas très longtemps, le Canadiens de Montréal alignait encore une très grande majorité de francophones. Aujourd'hui, bien que l'équipe en compte plus que n'importe quelle autre dans le circuit, ses fans plus âgés font rapidement le lien entre les contre-performance de ses vedettes et leurs noms exotiques...

On mélange très facilement l'élitisation du sport (et une plus grande parité entre les athlètes) et le manque de combativité des professionnels. Entre cette perception de manque de travail et l'accusation de ne jouer que pour l'argent, la ligne est facile à franchir.

L'ouverture de la Ligue Nationale de Hockey aux joueurs européens, par exemple, a créé une distance entre le fan et ses vedettes. Non seulement les joueurs ont des noms bourrés de "k", de "r roulés" et se terminent en "ov" une fois sur deux, mais en plus leur style de jeu est différent. Pas moins efficace, mais assurément moins aggressif (à quelques exceptions près). Accepter de regarder le style organisé des russes dans le hockey de la LNH est-il une autre forme d'accomodement raisonnable*?

Une évolution en phase avec la globalisation
Donc les deux problèmes sont les suivants : le sport professionnel à évoluer de telle sorte que le libre marché influence la composition des équipes. Le plafond salarial a changé la fréquence à laquelle un joueur change d'équipe et nous avons de la difficulté à nous associer à des "étrangers" qui ne sont que de passage dans nos équipes fétiches.

Des experts en neuro trouveraient également important de mentionner que la mémoire se construit et est dynamique... Ainsi, une des raisons pour laquelle le hockey du bon vieux temps était meilleur, c'est qu'il s'agissait « Du bon vieux temps ». J'invite les sceptiques à faire comme moi et regarder un match Vintage de temps à autre sur NHL Network... juste pour constater comment notre sport presque-national a évolué.

Alors la question demeure : Comment permettre aux fans de continuer leur histoire d'amour avec leur sport et leurs équipes, malgré cette chute d'appartenance, malgré une évolution naturelle du sport ?

Le pool comme mode de réappropriation
Une des façons de se réapproprier nos sp0rts : le pool entre amateurs. Ainsi, que ce soit pour le hockey, le football, le basketball ou le baseball, il est toujours possible (quoique plus ou moins légal) de parier un peu d'argent et beaucoup d'honneur sur nos joueurs préférés. De cette façon, les joueurs n'ont plus besoin de jouer pour notre club favori ou de provenir de notre région pour mériter notre attention. Le fait de jouer "pour nous" et de contribuer à NOTRE performance au classement les rend dignes de notre intérêt. Ainsi, non seulement les performances de mon équipe favorite sont importantes, mais mes joueurs qui évoluent ailleurs font de moi un amateur de hockey bien plus attentif et intéressé.

Accepter la nostalgie de l'amateur
L'autre façon est de tabler sur ce sentiment de nostalgie. Quoi de mieux que de permettre une réappropriation par l'objet. La LNH a bien réussi en lancant une "sous-marque" Vintage NHL(tm) et l'a partagé avec une multitude de partenaires désirant produire des objets avec l'image classique des équipes ou même à l'effigie des équipes disparues. BudLight, par exemple, a exécuté une populaire promotion autour des casquettes à l'effigie des équipes actuelles et disparues de la LNH.

Même le fan invétéré des Canadiens est tenté de s'acheter un t-shirt des Nordiques, qui ne représentent plus une menace, mais le souvenir du bon vieux temps de la rivalité entre les deux équipes québécoises.


Et sûrement plusieurs autres suggestions des experts marketing, amateurs intéressés et sociologues...

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* Pour les lecteurs non canadiens – vous êtes de plus en plus nombreux – l'accomodement raisonnable est un terme très utilisé dans les médias québécois. Provenant du droit du travail, il peut se définir comme : « L'obligation dans le cas de la discrimination par suite d'un effet préjudiciable, fondée sur la religion ou la croyance, consiste à prendre des mesures raisonnables pour s'entendre avec le plaignant, à moins que cela ne cause une contrainte excessive: en d'autres mots, il s'agit de prendre les mesures qui peuvent être raisonnables pour s'entendre sans que cela n'entrave indûment l'exploitation de l'entreprise de l'employeur et ne lui impose des frais excessifs. » (Comm. Ont. des Droits de la Personne c. Simpsons-Sears, 1985 IIJCan 18) Par ce jugement, le droit à la liberté de religion s'évalue en fonction du détriment pour l'individu versus la somme des détriments pour la collectivité. Ainsi, chez nous, le port du voile à l'école est perçu comme un détriment collectif moindre que le détriment individuel de ne pouvoir respecter sa religion... Il est donc considéré comme un accomodement raisonnable. Je pourrai y revenir si ça vous intéresse. Wikipedia (un outil que je n'aime pas trop cité) fait une rapide énumération des cas qui ont fait les manchettes, voir ici.

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