lundi 17 septembre 2007

Besoin d'aide, amis européens


En attendant de passer à un nouveau sujet, je me demandais si mes conclusions de réappropriation populaire du sport s'appliquent à l'Europe et aux fans de foot ?
Faîtes-vous des pools ? Est-ce que l'amateur moyen trouve que « le foot d'aujourd'hui n'est plus ce qu'il était » ? Est-ce qu'il y a des évidences de réappropriation que j'ai omis ?
Vos commentaires sont les bienvenus...

L'observateur.

mercredi 12 septembre 2007

Louer son identité : la possession temporaire

Dans son livre Futureshop, Daniel Nissanoff propose une idée assez intéressante : la pénétration croissante de eBay et les technologies améliorant la performance des marchés de revente, nous sommes de plus en plus enclin à considérer la valeur résiduelle de nos biens lors de leur choix. C'était déjà le cas dans des industries reconnues pour la valeur du bien usagé (voiture, équipement de sport, etc.) mais ce n'était pas répandu dans le domaine de la mode, des vêtements, des gadgets...

One man's trash is another man's treasure

Ainsi selon la tendance (qui, avouons-le, rejoint les jeunes urbains professionnels aisés financièrement), nous entrerions dans notre calcul et nos choix de consommation la valeur résiduelle d'un bien. Comme le monde de l'automobile nous a habitué à être un "propriétaire-locataire", nous sommes maintenant prêt à appliquer la même équation à nos autres achats.

Prenons un cas hypothétique d'achat de sac à main : la demoiselle à la recherche d'un accessoire de mode lui permettant de véhiculer son statut peut donc opter pour deux types de possession...

  1. Traditionnelle : Évaluer son budget et déterminer le montant qu'elle est prête à attribuer au sac à main. (Supposons 300 $) Choisir le sac à main qui lui rapportera le plus de bons mots et de standing pour ce montant (faite votre propre choix).

  2. Futureshopienne : Estimer la durée moyenne de ses sacs à main – pas tant celle de la durabilité du produit, mais bien la fréquence à laquelle elle sent un envie irrésistible de le changer (Disons un an). Ensuite, regarder quel est le meilleur sac à main qui perdra cette valeur pendant cette période (Disons un super Vuitton acheté 900 $ et revendu 600 $ un an après) *Il ne faut pas oublier la capacité d'acquisition.
Bon, je ne suis pas un spécialiste en sac à main, alors je n'ai vérifié que sommairement les valeurs des sacs neufs et usagés sur eLuxury et eBay, mais le propos demeure le même : de plus en plus de gens aîsés profitent de ce calcul pour augmenter (trading up) la valeur de certains biens en les possédant de façon temporaire. Il s'agit bien du même mécanisme qui permet de louer un véhicule haut de gamme pour la même mentualité que l'achat d'une automobile intermédiaire.

Le retour à la durabilité
C'est bien connu, les électroménagers d'antan avaient des durées de vie impressionnantes... Comment ce fait-il que la technologie et les matériaux s'améliorent sans cesse, mais* que les électroménagers et une partie importante de nos produits domestiques perdent en durée de vie ? Et bien, nous ne sommes pas prêts à mettre la valeur que certains de nos parents et grand-parents attribuaient à leur réfrigérateur... Sans croire que la majorité d'entre-nous allons se mettre à vendre nos réfrigérateurs sur eBay, il demeure que l'ensemble de nos calculs de valeur recommencera à considérer la durabilité. Est-il possible de faire une montre qui aura l'air presque neuve après un an d'utilisation ? Si oui, c'est une valuer ajoutée significative au produit dans le contexte de la propriété temporaire.

L'accélération du cycle de remplacement
Le fait d'amoindrir la facture d'adoption d'une nouvelle génération de technologie contribuera à accélérer le cycle individuel de remplacement. Ainsi, je peux changer du iPod 30gig au 80gig, puis au 160gig, puis au suivant beaucoup plus rapidement en utilisant la valeur résiduelle de l'appareil précédent comme mise de fond sur le suivant. Cette réalité vient démocratiser le groupe des "early adopters", la cible primaire des entreprises tentant de rentabiliser rapidement leurs investissements en R&D. Cette démocratisation vers les autres groupes (les "early followers" par exemple) sera également marquée, grâce à la disponibilité d'une tonne de biens usagés.

L'enjeu de l'appartenance
Une excellente publicité de Ikea mentionnait : « Si vous pleurez pour cette lampe, c'est que vous êtes fou » attaquant l'appartenance que nous avons avec certains de nos biens. Pourquoi tenons-nous à posséder certains objets ? Pourquoi achetons-nous certains livres que nous pourrions facilement emprunter à un collègue ou même à la bibliothèque ?

Une génération de sociologues et anthropologues mentionnent que nous bâtissons notre identité à travers nos possessions, que nous créons notre personnalité étendue (extended self) avec ceux-ci et leurs images. Face à cette nouvelle réalité de possession temporaire, allons-nous être capable de rationaliser nos possessions et de se détacher de biens que nous avons aimé ?

Pourquoi hésitons-nous à jeter une vieille collection que nous n'avons pas entretenue depuis des années ? Pourquoi sommes-nous incapables de se départir de certains objets aujourd'hui inutiles et poussiéreux ?

Puisque notre identité change plus à notre époque qu'auparavant, est-il possible que nous soyons aujourd'hui prêts à louer notre identité ? Si oui, c'est mauvais présage pour l'industrie du tatouage permanent...

mardi 4 septembre 2007

Les sports et la réappropriation populaire

Le sportif de salon moyen est très enclin à décrier la baisse de qualité du sport. « C'est plus comme avant » «On s'ennuie des belles années du Canadiens » « Au moins dans le temps, ils jouaient avec leur coeur », etc. etc. etc.

Alors que la réalité est tout autre (en tout cas dans la plupart des ligues majeures). Les performances ont cru et, avec l'ouverture internationale, les places limitées dans les équipes professionnelles (bien que plus nombreuses) sont convoitées par de plus en plus de joueurs de qualité.

Alors de quoi se plaint l'amateur moyen qui trouve que ce n'est plus comme avant. Il décrie une perte d'appartenance. Il n'y a pas très longtemps, le Canadiens de Montréal alignait encore une très grande majorité de francophones. Aujourd'hui, bien que l'équipe en compte plus que n'importe quelle autre dans le circuit, ses fans plus âgés font rapidement le lien entre les contre-performance de ses vedettes et leurs noms exotiques...

On mélange très facilement l'élitisation du sport (et une plus grande parité entre les athlètes) et le manque de combativité des professionnels. Entre cette perception de manque de travail et l'accusation de ne jouer que pour l'argent, la ligne est facile à franchir.

L'ouverture de la Ligue Nationale de Hockey aux joueurs européens, par exemple, a créé une distance entre le fan et ses vedettes. Non seulement les joueurs ont des noms bourrés de "k", de "r roulés" et se terminent en "ov" une fois sur deux, mais en plus leur style de jeu est différent. Pas moins efficace, mais assurément moins aggressif (à quelques exceptions près). Accepter de regarder le style organisé des russes dans le hockey de la LNH est-il une autre forme d'accomodement raisonnable*?

Une évolution en phase avec la globalisation
Donc les deux problèmes sont les suivants : le sport professionnel à évoluer de telle sorte que le libre marché influence la composition des équipes. Le plafond salarial a changé la fréquence à laquelle un joueur change d'équipe et nous avons de la difficulté à nous associer à des "étrangers" qui ne sont que de passage dans nos équipes fétiches.

Des experts en neuro trouveraient également important de mentionner que la mémoire se construit et est dynamique... Ainsi, une des raisons pour laquelle le hockey du bon vieux temps était meilleur, c'est qu'il s'agissait « Du bon vieux temps ». J'invite les sceptiques à faire comme moi et regarder un match Vintage de temps à autre sur NHL Network... juste pour constater comment notre sport presque-national a évolué.

Alors la question demeure : Comment permettre aux fans de continuer leur histoire d'amour avec leur sport et leurs équipes, malgré cette chute d'appartenance, malgré une évolution naturelle du sport ?

Le pool comme mode de réappropriation
Une des façons de se réapproprier nos sp0rts : le pool entre amateurs. Ainsi, que ce soit pour le hockey, le football, le basketball ou le baseball, il est toujours possible (quoique plus ou moins légal) de parier un peu d'argent et beaucoup d'honneur sur nos joueurs préférés. De cette façon, les joueurs n'ont plus besoin de jouer pour notre club favori ou de provenir de notre région pour mériter notre attention. Le fait de jouer "pour nous" et de contribuer à NOTRE performance au classement les rend dignes de notre intérêt. Ainsi, non seulement les performances de mon équipe favorite sont importantes, mais mes joueurs qui évoluent ailleurs font de moi un amateur de hockey bien plus attentif et intéressé.

Accepter la nostalgie de l'amateur
L'autre façon est de tabler sur ce sentiment de nostalgie. Quoi de mieux que de permettre une réappropriation par l'objet. La LNH a bien réussi en lancant une "sous-marque" Vintage NHL(tm) et l'a partagé avec une multitude de partenaires désirant produire des objets avec l'image classique des équipes ou même à l'effigie des équipes disparues. BudLight, par exemple, a exécuté une populaire promotion autour des casquettes à l'effigie des équipes actuelles et disparues de la LNH.

Même le fan invétéré des Canadiens est tenté de s'acheter un t-shirt des Nordiques, qui ne représentent plus une menace, mais le souvenir du bon vieux temps de la rivalité entre les deux équipes québécoises.


Et sûrement plusieurs autres suggestions des experts marketing, amateurs intéressés et sociologues...

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* Pour les lecteurs non canadiens – vous êtes de plus en plus nombreux – l'accomodement raisonnable est un terme très utilisé dans les médias québécois. Provenant du droit du travail, il peut se définir comme : « L'obligation dans le cas de la discrimination par suite d'un effet préjudiciable, fondée sur la religion ou la croyance, consiste à prendre des mesures raisonnables pour s'entendre avec le plaignant, à moins que cela ne cause une contrainte excessive: en d'autres mots, il s'agit de prendre les mesures qui peuvent être raisonnables pour s'entendre sans que cela n'entrave indûment l'exploitation de l'entreprise de l'employeur et ne lui impose des frais excessifs. » (Comm. Ont. des Droits de la Personne c. Simpsons-Sears, 1985 IIJCan 18) Par ce jugement, le droit à la liberté de religion s'évalue en fonction du détriment pour l'individu versus la somme des détriments pour la collectivité. Ainsi, chez nous, le port du voile à l'école est perçu comme un détriment collectif moindre que le détriment individuel de ne pouvoir respecter sa religion... Il est donc considéré comme un accomodement raisonnable. Je pourrai y revenir si ça vous intéresse. Wikipedia (un outil que je n'aime pas trop cité) fait une rapide énumération des cas qui ont fait les manchettes, voir ici.